6/06/2012

Jérôme Kerviel se dit victime d'un complot de la SocGen


PARIS (Reuters) - L'ancien trader de la Société générale Jérôme Kerviel a accusé mercredi la banque de l'avoir laissé prendre des positions illégales et réaliser des pertes astronomiques afin de mieux dissimuler celles provoquées par les "subprimes".
Cette "théorie du complot" présentée au deuxième jour de son procès en appel à Paris a suscité le scepticisme de la présidente de la cour qui a exprimé ses doutes à l'audience.
Dans ce procès qui se déroule dans le contexte d'une mise en cause des pratiques du monde financier, l'accusation plaide toujours la thèse selon laquelle Jérôme Kerviel a agi seul, pour un mobile encore flou mais qui pourrait être la simple cupidité car il briguait un important bonus pour 2007.
Jérôme Kerviel a pris, en les cachant par de faux engagements censés couvrir le risque, des positions astronomiques de 30 milliards d'euros en 2007 puis de 50 milliards en 2008. Découvertes selon la banque début 2008, et dénouées en pleine crise des "subprimes", elles ont abouti à une perte historique pour la finance de 4,9 milliards d'euros.
Le jeune homme ne nie pas avoir pris ces risques, mais il pense aujourd'hui avoir été victime d'une machination, qui aurait consisté à le laisser faire tout en compensant ses pertes ailleurs, puis à se servir de lui comme bouc émissaire pour les pertes des "subprimes", produits financiers liés à des crédits immobiliers américains, à l'origine de la crise de 2008.
"J'étais un peu comme un hamster dans une roue, mes chefs pilotaient et moi je pédalais de plus en plus vite", a-t-il dit.
La présidente de la cour Mireille Filippini a jugé ce scénario peu crédible, la crise des subprimes n'étant apparue qu'en 2008.
C'est absurde aussi pour les avocats de la SocGen, qui ont aussi ironisé sur cette nouvelle ligne de défense. "Vous êtes en train d'écrire le scénario de votre futur film", a dit François Martineau.
LE PROBLÈME DES CONTRÔLES
La présidente a ramené Jérôme Kerviel à ses actes.
"C'est quand même vous et pas la Société générale qui avez pris, entre le 3 et le 18 janvier 2008, une position non autorisée de 50 milliards d'euros", a-t-elle dit.
Elle a également lu les nombreux courriels fabriqués par le trader pour répondre aux questions sur son travail, où il usurpait des identités pour endormir les doutes.
Des faux ? Non, a répondu Jérôme Kerviel, "des mails contenant de fausses informations".
"Pas la peine de faire des circonvolutions", a répondu la magistrate, qui s'est demandée pourquoi il était constamment sommé d'expliquer son travail si la hiérarchie l'approuvait, comme il le prétend.
Le problème des contrôles a été assez brièvement abordé du fait du débat sur ce supposé "complot".
La représentante de la Société générale Claire Dumas a expliqué que la banque n'avait rien vu des agissements de son trader. Fondamentalement, explique la banque, il n'y avait pas de raison de penser à une telle mystification.
Le problème était par ailleurs que Jérôme Kerviel masquait ses positions par d'autres positions, fictives celles-là, censées réduire au minimum le risque.
Les services de contrôle, a-t-elle dit, ne pouvaient donc voir sur leurs écrans aucune anomalie et ne s'intéressaient pas à la taille des positions, d'autant que Jérôme Kerviel montrait beaucoup plus de disponibilité que les autres traders.
Le jeune homme proposait même aux contrôleuses de boire du champagne, a-t-elle rapporté. La cour a passé rapidement sur le fait que 30 employés du contrôle de la banque n'avaient pu voir qu'un seul homme avait mis sur le "tapis" des marchés 50 milliards d'euros, plus que les fonds propres de la banque.
Ses stratagèmes étaient plutôt rudimentaires, puisqu'en regard des vrais ordres il en plaçait par exemple d'autres en attente censés couvrir les risques mais jamais matérialisés. Ils apparaissaient donc sur les écrans avec la formule "pending" (en attente), ce qui semble n'avoir étonné personne.
Il était possible aussi de saisir presque n'importe quoi dans les bases de données, sans déclencher d'alerte. Le dossier a montré que la Société générale, sanctionnée ensuite de quatre millions d'euros d'amende pour ces failles, avait ignoré des dizaines d'alertes extérieures.
Edité par Yves Clarisse

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